Avril Nolan et Quy Nguyen

Avril Nolan et Quy Nguyen

Curateurs

20 novembre 2017

New York

Motivés par une profonde curiosité et un véritable engagement envers le travail d’artisan sous toutes ses itérations, Avril Nolan et Quy Nguyen ont créé FORM Vintage en tant que plateforme à travers laquelle ils partagent leurs découvertes singulières et leurs histoires avec le public. Nolan, qui est née en Irlande, est une couturière accomplie et a travaillé au sein de l’industrie de la mode pendant dix ans à Londres et New York sous plusieurs facettes, notamment en tant que publicitaire pour un grand nombre de clients prestigieux. Nguyen, longtemps, a occupé des postes de responsabilité à New York dans certaines des publications de design les plus respectées, d’abord en tant qu’Editeur de Collections chez Martha Stewart, puis Editeur de Style et Marché chez Architectural Digest et Elle Décor, avant d’atterrir à son poste actuel chez Ralph Lauren, où il est Directeur de Style. Le premier pop-up de FORM, à l’hôtel Wythe à Brooklyn qui a eu lieu plus tôt cette année, a vu la présentation d’une collection d’habits et d’objets allant d’une paire de jeans Levi’s tendrement usés et un blazer Hermès fluo à des tapis Turcs kilims et des verres soufflés des années 1920, tous adaptés aux envies des acheteurs potentiels dans les environs du quartier de Williamsburg. Et leur pop-up cet été à Montauk a également été adroitement adapté à l’élite des plages de Long Island, avec des maillots de bains Christian Dior des années 1950 et des kaftans et bijoux turquoise des années 1970. Ça promet d’être le début de bien plus de projets excitants pour FORM.

« Le commerce pour nous c’est le commerce des idées, pas le commerce de l’argent. L’argent est une nécessité, et nous devons te traiter de manière intelligente, mais c’est vraiment secondaire, » dit Nguyen.

Avril, vous venez d’Irlande, et Quy du Texas; comment vous êtes vous retrouvés à New York?

Avril: j’ai toujours eu envie de venir vivre ici. J’ai une tante incroyable qui habite New York et qui adore la mode. Lorsque ma sœur et moi nous venions lui rendre visite, on passait notre temps à s’exclamer « Oh mon Dieu » parce que nous n’avions jamais vu ce type de vie si glamour en Irlande. Donc je me suis mise en tête de déménager ici après avoir obtenu mon diplôme et de trouver un travail dans la mode, chose qui n’était pas répandue en Irlande. J’étais censée déménager avec une amie mais elle est tombée amoureuse avant notre départ, alors je me suis dit « Tant pis, j’irai toute seule! ».

Génial, et vous n’êtes jamais repartie! Et vous, Quy?

Quy: Mes quatre frères et sœurs et moi-même avons beaucoup déménagé en grandissant, allant de la Californie, à Portland, au Kansas, et à la Nouvelle Orléans pour finir au Texas. C’était assez limité en terme de créativité, mais mon lycée accordait beaucoup d’importance aux arts plastiques, alors j’ai étudié la sculpture, le dessin, la peinture, et la photographie. J’ai fini par aller à New York à l’université Cooper Union pour me concentrer sur la sculpture, la photo, et le cinéma en Super 8, puis aussi l’ébénisterie. Mais ma réelle formation d’antiquaire est le résultat de mon premier poste avec Fritz Karch, le Directeur de Collection chez Martha Stewart. Nous passions nos journées à chercher des meubles anciens, célébrant et donnant une nouvelle vie à des pièces qui étaient oubliées et jugées sans importance. J’ai tant appris à travers ce processus.

Est-ce qu’il y a eu quelque chose dans votre éducation au sens large qui vous a attiré vers le monde du vintage et des antiquités, et cette notion de regarder en arrière pour aller vers l’avant?

Quy: Le fait d’avoir vécu au Texas où il existe beaucoup de racisme et d’intolérance, surtout en tant que réfugiés pauvres [les parents de Quy sont du Vietnam et de Chine], a fait que l’art était un mode d’échappatoire. Même très jeune j’avais déjà une veine de collectionneur: vu qu’on n’avait pas d’argent, je collectionnais des pierres et des insectes et je les classais par catégorie pour mieux étudier leurs différences. Par nécessité, nous passions nos vies dans des friperies et n’achetions que des choses déjà usées. Par conséquent, j’étais automatiquement exposé à une cinquantaine d’années d’idées, de styles, de couleurs, de motifs et de matériaux.

Avril: J’ai commencé à amasser une collection d’habits et d’objets vintage depuis très jeune. J’ai grandi en regardant les films d’Audrey Hepburn et Marilyn Monroe, alors au départ mon approche était beaucoup plus romantique et nostalgique. Pour vous dire, j’ai porté une jupe noire Frank Usher des années 1950 pour mon bal de fin d’année au lycée! C’était difficile de trouver le type de vêtements que je voulais porter en Irlande, mais j’étais chanceuse parce que mon père vivait à Londres, alors j’allais le voir et je passais mon temps à fouiller les entrepôts vintage pour rentrer avec des valises remplies d’habits. Le vintage était ma fenêtre vers un autre monde. Et lorsque j’ai rencontré Quy, notre passion pour ces choses nous a forcément rapprochés.

“J’ai énormément appris en scrutant les choses à la fois avec un regard critique et un esprit grand ouvert.”

Comment avez-vous transformé cette passion en commerce pour FORM?

Avril: Nous avons tous les deux travaillé avec beaucoup de nouvelles marques, et nous nous sommes rendus compte de l’énorme différence qui existe au sein de magasins qui vendent des produits neufs et ceux qui vendent du vintage. Vous savez cette sensation particulière lorsque vous entrez dans un magasin vintage, l’odeur qui y existe, et l’énergie qu’il vous faut pour fouiller les portants et les étagères remplies à craquer. C’est presque exténuant. Nous voulions voir les choses autrement et mêler les deux expériences de shopping, faire en sorte que ça ne tourne pas autour de la quantité mais de la qualité. Notre but est de changer la perception des gens, leur montrer que le vintage reste extrêmement pertinent, et qu’il est moderne—si ce n’est plus moderne—que beaucoup de choses vendues de nos jours.

Quy : Je pense que ce qui est d’une importance majeure est le fait que nous mettons l’humain au centre de ce que nous faisons. Si nous commencions avec l’objet, ça n’aurait pas beaucoup de sens, vu que les objets sont partout et ne portent pas vraiment de signification à eux seuls. En mettant en avant des objets qui sont bien fabriqués, des objets qui sont et qui deviendront des objets de famille dans le futur, nous faisons en sorte que FORM représente l’objet au sens idéal. Avant de faire un achat, nous nous demandons toujours s’il a une place dans la vie de la personne que nous avons en tête en tant qu’acheteur, si l’objet ou l’habit est intemporel, et nous vérifions scrupuleusement son état pour s’assurer qu’il est au même niveau de qualité qu’un produit neuf. Sauf, bien sûr, s’il s’agit d’une pièce rare ou si le fait qu’il soit usagé fait partie de son charme historique ou de son passé utilitaire. Dans ce cas-là, nous trouvons ces trous et ces déchirures d’une grande beauté, mais nos blouses Chanel ou autres habits de ce calibre sont en parfait état.

La manière que vous avez d’être très attentionnés envers le processus de sélection pour FORM, limitant considérablement le nombre de pièces que vous mettez en vente, semble l’antithèse du consumérisme compulsif que nous constatons aujourd’hui.

Quy: Les gens s’exclament souvent, « Vous êtes allés à Paris et vous n’êtes rentrés qu’avec 20 pièces? » Mais nous disons non à environ 600 pièces avant de dire oui à ces 20 là. Et je pense que c’est précisément ce niveau de sélection que notre clientèle apprécie. Les gens consomment moins mais mieux, mettant plus d’importance dans chaque achat, et ils veulent quelque chose d’unique. Instagram est formidable et nous permet de voir tout un monde de gens qui font des choses intéressantes, mais au final ça devient un peu monotone. Notre clientèle apprécie nos pièces précisément parce qu’elle sait que personne d’autre ne les aura, et parce qu’elles portent une histoire.

Vous semblez attachés à ces histoires qui existent derrière chacune de vos pièces.

Quy: Les gens sont beaucoup plus réceptifs aux objets de nos jours lorsque vous les utilisez pour raconter une histoire. Je pense que le fait d’avoir des objets qui vont durer très longtemps est rafraîchissant pour beaucoup de monde.

“Notre clientèle apprécie nos pièces précisément parce qu’elle sait que personne d’autre les aura, et parce qu’elles portent une histoire.”

Quel est le rapport entre les meubles USM et votre philosophie d’intemporalité?

Quy: Les pièces USM se sont mariées parfaitement à nos pop-ups pour FORM. On n’avait jamais vraiment vu des antiquités placées sur des USM, et nous avons trouvé ce contraste très excitant et très cool.

Avril: Ce contraste existe chez nous à la maison. Je pense que les meubles USM se retrouvent parfois dans des contextes cliniques ou dans des bureaux, mais c’est la manière que les gens ont abordé ces pièces dans le passé. Nous aimons leur apporter une certaine douceur. Dans notre salon, notre meuble USM contient nos livres et des objets, mais aussi des tas de textiles, ce qui apporte une touche de douceur à quelque chose qui est autrement un peu austère. Et nous avons deux commodes USM dans notre chambre à coucher, au-dessus desquelles nous avons accroché un paravent Japonais des années 1920 et sur lesquelles nous avons placé des sculptures Africaines en bois; les USM restent modernes même lorsqu’on les juxtapose avec des objets anciens.

Quy: Il existe un rythme entre les pièces USM et nos antiquités, comme notre commode des années 1930 ou les rideaux en dentelle Espagnole du 18ème siècle—chaque pièce fait ressortir un élément différent chez l’autre. L’USM est efficace pour centrer le regard, et cela nous intéresse réellement. Qu’est ce qui fait qu’on se centre autour de ce qu’il expose? Sa composition, l’objet en lui-même, sa simplicité? Comment faire en sorte qu’on pose notre regard plus longuement sur quelque chose, et qu’on se projette dessus?

« Ce qui fait qu’un objet a de la valeur est son potentiel à devenir un objet de famille… la capacité de cette sculpture Africaine d’être passée de génération en génération pendant 20 ans, ou de cette mâchoire de mammouth d’être relayée durant des centaines d’années, » dit Nguyen.

Merci, Avril et Quy, de nous avoir ouvert les portes de votre magnifique maison à Fort Greene, Brooklyn. Pour en savoir plus sur leur approche au design moderne et à la sélection vintage, suivez le compte Instagram de FORM Vintage ici.

Ce portrait a été produit par le magazine international Freunde von Freunden. Cliquez ici pour découvrir tous les meubles USM pour votre maison et votre bureau.