Michael Kuhn

Michael Kuhn

Directeur de communication du cabinet d’architectes gmp – Gerkan, Marg et Partenaires

20 avril 2016

Lübeck

Lors d’une après-midi ensoleillée, nous avons rendu visite à Michael Kuhn sur son île. Son île, c’est Lübeck, à 60 kilomètres de Hambourg et de son bureau chez gmp – Gerkan, Marg et Partenaires. Nous avons échangé avec le directeur de communication sur l’idée de sérénité, d’attitude et de prise de risque sans prétention. Il nous a aussi raconté comment il s’entoure au quotidien d’objets qui ont pour lui une valeur particulière.

A quoi ressemblait cette maison il y a 100 ans ?

Michael : Les bâtiments ici dans le quartier Sankt-Jürgen de Lübeck datent de la 2e moitié du XIXe siècle, l’époque appelée « Gründerzeit » (époque des fondateurs ndlr.). Des familles aisées occupaient ces grandes maisons seules ou avec des employés et des domestiques. Depuis, l’agencement des intérieurs a été fortement modifié et cloisonné. Notre maison a été, comme bien d’autres, divisée en plusieurs appartements. Heureusement, elle a appartenu pendant longtemps à une famille et a conservé une grande partie de son ancien charme. Avec le jardin, elle est authentique et fait partie de la structure organique de la ville de Lübeck. En combinaison avec la modernité de laquelle je m’entoure habituellement, cela forme un contraste fascinant.

Ce qui saute aux yeux, ce sont ces murs isolés peints en gris. Pourquoi ?

Michael : J’ai peint d’une couleur différente tous les murs qui ont été construits après. S’il y a une chose que j’ai apprise dans mon travail d’architecte, c’est qu’il est plus intéressant de préserver et d’exposer l’évolution d’une architecture. Les époques doivent être préservées. J'aime quand les traces des époques antérieures restent lisibles.

Des murs comme témoins d'une époque ?

Michael : Exactement, j’aime quand les choses ont une raison d’être. On se demande par exemple ici pourquoi le stuc s’arrête tout à coup à certains endroits. Le mur peint en gris le souligne encore davantage : il y a eu une intervention. Ce qui me dérange, c’est le papier peint ingrain qui a été apposé ultérieurement pour des questions d’isolation. Après certaines choses sont comme elles sont et il faut alors faire preuve de philosophie.

Des petites imperfections peuvent raconter des histoires…

Michael : En effet, qu'est ce qui est parfait dans la vie ? Il y a toujours des compromis quelque part. Je suis en effet relativement perfectionniste, mais j’ai constaté que l’on va toujours plus loin lorsqu'on garde sa sérénité. Peu importe le domaine. Nous évoluons toujours avec l’idée du compromis entre besoins et perceptions. C'est bien comme ça en fin de compte. Les discussions créent des points de friction qui débouchent sur quelque chose de nouveau.

Tu ne vis pas tout seul ici mais avec Yvi, ta conjointe. Depuis quand vivez-vous à Lübeck ?

Michael : Je vis à Lübeck depuis dix ans.
Yvi : J’habite à Lübeck à vrai dire depuis assez longtemps, depuis 1990 pour être précise.
Michael : Nous venons en effet tous les deux de la région des lacs du Mecklembourg et bizarrement, de la même ville, mais nous avons fait vraiment connaissance ici, à Lübeck. Pendant mon apprentissage et mes études, j’ai habité à Hambourg en plein milieu du quartier animé de Sankt-Pauli. J’ai ensuite décidé pour des raisons personnelles de m’installer à Lübeck. Et cela fait maintenant presque 1 an et demi que nous vivons dans cette maison.

Mais le cabinet d’architecture pour lequel tu travailles est à Hambourg ?

Michael : Oui, c’est exact. On me pose toujours la même question : pourquoi ne pas me faciliter la vie en habitant dans la ville dans laquelle je travaille ? Comme Lübeck n'est qu’à 60 kilomètres d’Hambourg, j’ai décidé d’avoir les deux : l’urbanité et le calme. Nous aimons faire beaucoup de choses à Hambourg, puis nous nous retirons ici dans notre petite oasis. Yvi et moi avons tous les deux des jobs exigeants alors nous apprécions d’autant plus de revenir ici au calme. Passer quelques jours ici, c’est presque comme des vacances le temps d'un week-end.

Qu’est-ce que tu aimes à Lübeck et ses environs ?

Michael : J’adore l’échelle de Lübeck, le fait de pouvoir tout faire à pied. Il y a ici de nombreux musées importants et une offre culturelle abondante. La proximité de l’eau est également fantastique, on est très rapidement à la mer baltique. Nous faisons beaucoup d’excursions dans des anciens manoirs cachés que nous découvrons en marchant. Notre voisinage est très attentionné. On s’intéresse à ce que chacun fait, on se rend service et on se prévient même lorsque l’un d’entre nous n’est pas là pour plusieurs jours. C’est ce qui crée un véritable sentiment d’appartenance, de patriotisme local, surtout que nous ne sommes ni l’un ni l’autre originaires de Lübeck.

Vu de loin, comment ton ancien quartier de Sankt-Pauli a-t-il changé ?

Michael : Cela a beaucoup changé, tant d’un point de vue social qu’architectural. Mais j’aime toujours autant y aller, cela m’arrive aussi régulièrement de retrouver là-bas des collègues ou des partenaires graphistes, photographes, auteurs… Sankt-Pauli a perdu ici ou là un peu de son caractère d’origine en devenant plus commercial, mais c’est un processus dynamique. Beaucoup de choses ont également évolué de façon positive.

“Ma place favorite actuelle est relativement nouvelle : le fauteuil ici près de la fenêtre.”

Est-ce que Sankt-Pauli ne te manque de temps en temps ?

Michael : Je n'aimerais plus habiter là-bas. C'est peut-être dû au fait que j’ai vieilli et que c’est important pour moi de me détendre pendant mon temps libre. Mon travail devient de plus en plus exigeant, je suis beaucoup en déplacement à l'international… j’aspire à la sérénité et ai besoin d’un endroit où je me sente bien. Il est important pour moi de pouvoir souffler un peu et d’avoir une compensation par rapport à mon travail. Nous n’avons pas du tout besoin de surfaces immenses mais tout simplement d’une sorte de confort douillet. Nous vivons dans un monde très dynamique et à 40 ans, on a un tout autre horizon qu'à 20 ans. Ces dernières années, j’ai aussi énormément voyagé pour mon activité, j’étais souvent en Asie ou en Amérique du Sud.

Parle-nous un peu plus de ton travail.

Michael : D'accord, mais par où commencer ?

Commence tout simplement par ce qui te passionne le plus ?

Michael : Je ne voudrais absolument pas réduire ça à un champ d’activité : mon métier, c’est ma passion. C’est une tâche très exigeante, je suis constamment en relation avec les gens – qu'il s'agisse de collègues, de journalistes, d'artistes ou de maîtres d’ouvrage. Le cabinet d’architecture de Gerkan, Marg et Partenaires a conservé un esprit qui fait que j'adore aller travailler. Je suis reconnaissant de la confiance que l’entreprise m’accorde.

“Les éléments d’USM sont en mesure d’accompagner le développement personnel d’un individu dans la durée.”

Peux-tu décrire un peu plus précisément ton rôle et ton quotidien chez gmp ?

Michael : Gmp fait partie des plus grandes agences d’architecture d’Allemagne avec des activités à l'international dans toutes les catégories touchant de loin ou de près à l’architecture. Avec mon équipe, composée de plus de 15 personnes, je ne couvre qu'une tout petite partie des activités de l'agence. Je suis responsable de la communication internet, externe mais aussi interculturelle. De plus, j’organise des expositions et suis responsable de nos publications d’une manière globale, pour augmenter la réputation du cabinet. Et cela fait 12 ans que je fais cela. C’est un job à responsabilité avec des tâches variées.

Comment es-tu arrivé à cette responsabilité ?

Michael : J’ai fait des études d’architecture et j’ai auparavant appris un métier artisanal, la menuiserie. Et avant ça, j’ai fait un apprentissage dans le domaine commercial. Ce qui m’a toujours motivé, c’est de pouvoir faire des choses avec passion et de découvrir mes centres d’intérêt. C'est un conseil que je donne volontiers à des amis qui souhaitent se réorienter. Quand il s'agit de son propre travail, il faut se concentrer sur soi, pas sur les potentiels débouchés du marché. La décision se prend en ayant à l’esprit ce qu’on aime et ce dont on est capable. C’est un véritable processus, je suis passé par là aussi.

Tu as donc tout d’abord tenté ta chance dans diverses disciplines ?

Michael : D’abord je pensais que le commercial m’attirerait, mais je me suis vite rendu compte que mes envies ne se trouvaient pas là. Puis je me suis intéressé à quelque chose de plus créatif, je me suis donc dirigé vers un métier artisanal. À chaque étape, j’ai appris quelque chose, je n’ai jamais pensé qu'un chapitre clos était du temps perdu. Encore aujourd’hui, je tire profit des différentes expériences que j’ai pu récolter dans ces domaines très divers, que ce soit d’un point de vue commercial ou conceptuel. Durant mes études d’architecture, j’ai appris à travailler de manière bien plus autonome et à voir les choses dans leur contexte général, à commencer par la conception, le texte, l’histoire, jusqu’aux bâtiments ou aux villes entières. Ce que je fais aujourd’hui n’était absolument pas prévisible. Je n'ai pas de formation classique en communication – le chemin que j’ai pris est plutôt celui du ‘learning by doing’. J’ai souvent dû me jeter à l’eau. J’ai appris à être courageux, sans me surestimer et j’ai pu tirer profit de la confiance que les gens m’ont accordé. Diriger la communication d'une entreprise d'une telle taille, ça ne s'apprend pas dans un manuel, c’est complexe et très spécifique à notre agence.

Quel rôle joue l’intuition dans ce travail ?

Michael : C'est surtout une dose de bon sens et mes propres expériences qui m’ont rendu capable d'exercer ce métier – bien sûr pas tout seul, mais avec mon équipe. Nous constituons un réseau d’individus passionnés qui travaillons ensemble pour un même objectif et mettons des choses sur pied, avec les qualités particulières de chacun. Les deux partenaires fondateurs Meinhard von Gerkan et Volkwin Marg ont depuis toujours eu le talent de reconnaître les gens passionnés et leur ont ensuite confié des responsabilités.

Est-ce que donner des chances explique le succès du cabinet ?

Michael : Oui et je pense que cela s'explique par leur histoire. En tant que jeunes architectes ils ont assumé très tôt des responsabilités, comme par exemple lors de la planification de l’aéroport de Tegel à Berlin, et cette manière de travailler n'a pas changé depuis.

Cela semble très organique.

Michael : Tout à fait, le travail chez et avec gmp est sûrement aussi organique. Je suis tous les jours reconnaissant des tâches qui me sont confiées, de la responsabilité que j’ai, que ce soit pour la conception d’un journal d’entreprise ou des expositions dans le monde entier. Pendant mes études, je n’aurais jamais osé rêver de cela. Je me souviens que, lorsque j’étais étudiant en architecture, j’ai pu pour la première fois entreprendre une excursion avec le groupe gmp dans le cadre d’une semaine d’orientation avec un groupe de l’Université. Je connaissais déjà le cabinet, ils avaient réalisé des constructions importantes. Mais à l'époque je n’aurais jamais imaginé un jour jouer un tel rôle au sein de cette entreprise.

Où avez-vous des bureaux ?

Michael : Nous avons des bureaux dans onze villes internationales, par exemple à Rio de Janeiro, New Delhi, Shenzhen, Shanghai, Beijing, Hanoi, Moscou et en Allemagne dans plusieurs villes telles que Hambourg, Berlin, Francfort et Aix-la-Chapelle. Ce n’est pas une mince affaire tout ce qui se passe chez nous !

Michael Kuhn entretien un lien étroit avec USM. Il a découvert la marque durant son apprentissage de menuisier il y a plus de 20 ans.

Quel autre job t’aurait attiré ? Quelle autre option aurais-tu choisie ?

Michael : J’avais bel et bien l’intention de devenir menuisier, d’où cet apprentissage que j’ai fait suite à ma formation commerciale. Je me suis alors adressé à la plus ancienne menuiserie de ma ville. Sans avoir besoin d'un tas de papiers, j’ai pu me mettre au travail. Là aussi, j’ai eu beaucoup de chance avec mon collègue, c’était une collaboration très agréable et le travail est vraiment devenu un plaisir. Ce travail artisanal me plaisait tellement que cela aurait vraiment pu devenir une option sérieuse. On m’a même donné la perspective de reprendre un jour la menuiserie.

Tu sembles dégager un fort sentiment de sécurité sur les personnes autour de toi.

Michael : L’un de mes traits de caractère, c’est d’être loyal. Je sais prendre sur moi et oui, je prends les choses au sérieux. Cette offre m’a plutôt fait peur à l'époque. La responsabilité aurait déjà été énorme et j’étais encore tellement jeune, seulement une vingtaine d’années. Mon plan n’était pas de rester en province, je voulais parcourir le monde, faire des études, etc. Je n’étais pas assez mûr à l'époque pour prendre une telle décision. Mais aujourd’hui, je repense avec plaisir au temps passé dans la menuiserie et j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler de mes mains. Ce buffet ici dans mon appartement, je l’ai conçu et construit moi-même. Ou bien le lit dans notre chambre est basé sur un dessin que j’ai fait et construit. Dans la cave, il y a des couteaux à bois, des limes, des machines et tout ce qui fait partie d’un atelier de menuiserie bien tenu. Je pourrais imaginer reprendre la menuiserie et le travail artisanal aujourd'hui, mais à un autre niveau, c’est-à-dire de manière un peu plus professionnelle. Mais j’ai conscience de l’énorme concurrence, donc je préfère finalement continuer à le faire par plaisir. Ce savoir autour du matériau et de l'agencement etc., je ne l’ai pas acquis avec mes études d’architecture mais sur l’un ou l’autre des chantiers et dans la menuiserie. Cela a marqué ma conscience et m’a aidé à m’entourer de choses qui n’impressionnent pas seulement à première vue.

L'intérêt pour la conception et le design marque assez clairement ton parcours, n'est-ce pas ?

Michael : Je m’entoure volontiers de choses qui ont quelque chose de particulier à mes yeux.

Raconte-nous quelques histoires sur les objets de ton appartement avec lesquels tu as une relation personnelle.

Michael : J’ai une relation particulière avec le fabricant de meubles suisse USM dont je possède beaucoup d’objets. USM m’accompagne déjà depuis longtemps. À l'époque de mon apprentissage en menuiserie, il y a plus de 20 ans, je m'intéressais déjà à la conception, au design et à l’architecture et je suis tombé sur USM grâce à une publicité. La forme rectiligne, l’architecture modulaire, – à 25 ans déjà je trouvais cela incroyable. À cette époque, je venais d'aménager un appartement sous les toits. La musique jouait alors un rôle très important dans ma vie, je possédais beaucoup de CDs et disposais de relativement peu de place. C’est là que j’ai vu cette annonce d’USM dans un magazine et j’ai immédiatement appelé un magasin. Au téléphone, j’ai expliqué rapidement ce que je voulais et avant que je m'en rende compte, j’avais rendez-vous chez moi avec le revendeur. Ce que je ne savais pas alors ou ce dont je n’avais pas tenu compte, c’était que ce n’était pas donné ! Ce meuble, c'est un énorme travail de conception et de solidité, on ne s'en rend absolument pas compte au premier coup d’œil. Cela est devenu évident lorsque le revendeur a dessiné une ébauche avec moi. Je trouvais tout cela bien évidemment superbe – mais au final, pour moi, à cette époque, c’était complètement inabordable. Pour ce que j'avais conçu, il fallait deux mille cinq cents marks, ce qui était beaucoup d’argent ! C’était pour moi absolument impossible, à ce moment là, je n’avais même pas de voiture. J'ai par conséquent choisi de ne pas acheter ce meuble.

Ça ne te sortait cependant pas de la tête, comme nous pouvons le voir ici dans ton appartement…

Michael : Oui…j’ai ensuite fait cette semaine chez gmp dans le cadre de mes études. Et qui dit gmp dit USM, bien sûr.

Michael a différencié la couleur de ses murs qui ont été construits ultérieurement dans son appartement pour préserver volontairement le processus de modification et le souligner.

Mais ce n’est pas toi qui es en charge de l’agencement d’intérieur ?

Michael : (rires) Non. Meinhard von Gerkan a compris très tôt quel potentiel se cachait dans les meubles d’USM et en a fait en partie l’identité corporate de l'agence. Que ce soit à Hambourg ou à Rio, en noir ou blanc ou n’importe quelle autre couleur, chez gmp on tombe sur USM. Lorsque j’ai commencé à travailler chez gmp, en tant qu’étudiant, USM est entré tout d’un coup dans ma vie. Partout autour de moi. En noir. Partout. Je trouvais ça plutôt bien.

USM était donc le premier point commun, la première passion que gmp et toi avez partagé ?

Michael : Disons qu'à travers cela, j’ai pu tout de suite me sentir bien. Et jusqu’à aujourd’hui, je m’identifie avec les tâches de gmp – pas seulement parce que je travaille là-bas, mais parce que gmp a une attitude claire dans tout ce qui est fait. Chaque action et chaque décision a une raison, tout comme chaque meuble de notre cabinet n'est pas placé par hasard. Parallèlement à toute cette réflexion, il y a un aspect purement économique : USM est extrêmement durable, à la fois en termes de flexibilité et de solidité. Le design est intemporel et aura la même valeur dans les 50 prochaines années.

Quel est ton meuble USM le plus ancien ?

Michael : C’est ce buffet sur lequel se trouve la télévision. Je sais que c’est un produit incontournable d’USM, parce que tout le monde souhaite cacher dans son appartement cet amas de câbles. Mon travail chez gmp m'a permis de faire connaissance avec les personnes qui sont derrière USM. Nous organisons de plus en plus des manifestations et des expositions ensemble. Beaucoup de choses relient ces deux entreprises lorsqu’il s’agit du style et de l’attitude. Cela me rend fier que mon rêve se soit réalisé et qu’USM fasse dorénavant partie intégrante de ma vie.

Une vraie histoire d’amour ?

Michael : USM fait tout pour qu'on tombe amoureux de ses meubles. Cela simplifie les décisions. Car personne ne sait comment les choses évoluent et beaucoup de gens ne sont pas sûrs de ce qu’ils font. Peu importe comment les conditions de vie changent et par quoi on est attiré, les modules d’USM s’y adaptent parfaitement. Ils peuvent s’étendre à l’infini ou devenir tout petits, changer de couleur. C’est un énorme potentiel. Et grâce au minimalisme qu’ils incarnent, ils s’intègrent idéalement dans n’importe quel environnement. J’associe volontiers le design intemporel et authentique avec de nouveaux éléments innovants, comme par exemple cette simple chaise Kristalia fabriquée en une coulée qui se trouve derrière la table USM. Mais même les designs d’époques bien différentes peuvent être combinés à merveille. Divers langages de formes et d’époques peuvent très bien s’assembler. C’est beau. Les éléments d’USM sont en mesure d’accompagner le développement personnel d’un individu dans la durée. Si je m’oriente vers autre chose, le meuble me suit.

Ce voilier des années 20 a été découvert dans un état très délabré par Michael dans la vitrine d'un magasin. Sa voisine est restauratrice et l’a remis en état.

Mis à part ta passion pour USM, quelles histoires racontent encore d’autres objets de ton appartement – par exemple ce modèle de bateau ?

Michael : Avec mon père je faisais des maquettes de bateau. Durant mes études d’architecture, mon intérêt pour la construction de maquettes n’a cessé de grandir. Ce bateau, je l’ai découvert à Lübeck dans la vitrine d’un magasin. Il y a ici de très nombreux et beaux antiquaires et c’est dans un de ces magasins que je l’ai trouvé, totalement délabré et sans voilure. Le prix était vraiment excessif. Ça m’était égal, parce que je n’avais jamais vu un tel modèle, un voilier des années 1920. Notre voisine Steffi est restauratrice, avant tout d’œuvres d’art, de mobilier d’église et de musées. Elle l’a réparé avec beaucoup de précaution. C’est beau de collectionner des choses lors de voyages ou du quotidien, de les conserver avec soi pour se rappeler sans cesse les bons moments passés. Ce tampon taillé dans le bois, je l’ai trouvé durant un voyage en Inde. Il sert à imprimer des textiles. Ce sont des motifs incroyablement beaux.

As-tu déjà créé toi-même quelque chose avec le tampon ?

Michael : Je ne m’en suis jamais servi car je pensais que je ne saurais jamais comment m’en servir et je voulais absolument garder son esthétique d’origine. Toutes ces choses, je les ai trouvées, vues quelque part – il n’est pas du tout obligatoirement question pour moi de les utiliser. Je veux tout simplement les conserver. Ces chiffres par exemple viennent de mon grand-père, qui a pendant longtemps été un apiculteur passionné. Il allait souvent avec son chariot à abeilles dans les champs de colza et chacune de ses colonies d’abeilles possédait son propre numéro et une couleur personnalisée pour pouvoir s’orienter. Les numéros en bois ont été cloués à chaque accès où les abeilles livraient le pollen. Malheureusement, mon grand-père est entre temps décédé. Nous sommes allés récemment voir le chariot d'abeilles. C'est là que j’ai pris les numéros.

Combien de colonies d’abeilles possédait ton grand-père ?

Michael : Il avait, si je me souviens bien, jusqu’à 50 colonies dans son énorme chariot bariolé.

Quels objets proviennent encore de tes voyages ?

Michael : Ces figurines ici proviennent d’un marché africain. Ou bien ces vases – je suis très souvent en Chine. Ces vases sont confectionnés en porcelaine très fine venant d’une petite manufacture.

Inhabituel, très moderne – pas du tout comme on s’imagine un vase classique chinois.

Michael : Oui, absolument. Le vase a été conçu par un réseau particulier de designers. J’aime ce style cubiste. J’ai aussi collectionné un peu d’art pendant un moment. En ce moment je m’intéresse beaucoup aux linogravures. L’artiste n’est pas très important. Bien sûr, dans les faits, il a son importance sinon une telle œuvre ne pourrait pas exister. Ce que je veux dire, c’est que ça ne coûte pas beaucoup d’argent.

Ce n’est pas la question, n’est-ce pas ?

Michael : Non (rires). J’ai par exemple ici aussi une gravure sur du cuivre coloriée à la main, représentant des baleines et datant du 16ème siècle.

Et vous l’avez trouvée où ?

Michael : Sur ebay ! Et ce dont je suis particulièrement fier, car on fait rarement une telle trouvaille, c’est ce beau chevreuil en bronze datant de 1920. Certains amis trouvent cela un peu ridicule mais moi je le trouve magnifique.

À côté, il y a Jésus maintenu sur la croix ou descendu de la croix.

Michael : La figure de Jésus est taillée à la main et se trouve ici, parce que je le trouve intéressant comme objet artisanal, par sa plastique. En contraste avec le chevreuil qui est en bronze lourd d’environ trois kilos, il est presque aussi léger qu'une plume. Il est probablement en bois de tilleul ou similaire.

Où est ta place de prédilection dans ton appartement ?

Michael : Ma place favorite actuelle est relativement nouvelle : le fauteuil ici près de la fenêtre. J'aime bien m'y asseoir, au soleil, avec mon ordinateur portable et laisser mon regard errer par la fenêtre.

Est-ce que la chaise provient d’un fabricant particulier ?

Michael : C’est la chaise éléphant de Kristalia. C’est donc un petit caprice – j’aime la clarté, aussi bien à l’intérieur qu'à l’extérieur. C’est la raison pour laquelle j’aime tant USM aussi : cette marque est porteuse d'une philosophie homogène. Les chaises Kristalia s’intègrent parfaitement dans cette vision. Mes meubles se réfèrent les uns aux autres. La chaise Bertoia, je l'aime beaucoup également. L’époque de laquelle elle vient me fascine tout autant que sa méthode de fabrication. Rien qu’à imaginer le temps nécessaire pour souder les points les uns aux autres… Sa forme organique est magnifique, on y est merveilleusement bien assis. Il y a une petite fourrure dessus, plutôt enjouée : je la préfèrerais sans. Mais nous avons déjà parlé de cela : la vie est faite de compromis et je n’habite pas tout seul ici.

“J’ai appris à préserver ma sérénité.”

As-tu déjà fait toi-même le design d’une chaise ?

Michael : Dans l'agence, j’accompagne un peu Meinhard von Gerkan dans la conception de meubles, dans les ébauches qu’il réalise lui-même. Nous sommes par exemple en train de mettre en œuvre un meuble qui a été conçu il y a plus de 40 ans pour l’aéroport de Tegel. C’est fascinant d’être dans un atelier de métal et de découvrir le processus de création des différents éléments. Je peux de nouveau vivre ma passion personnelle et la mettre en œuvre pour mon travail.

Comment se reflète ta conscience pour les choses au quotidien ?

Michael : Je suis toujours intéressé par les histoires que les choses communiquent. Si on a la possibilité de prendre des décisions consciemment, on peut aller jusque dans le moindre détail. Cela ne s'arrête pas aux composantes du design et du matériel, mais la question qui suit est où et comment quelque chose est produit. Dans quelles conditions ceci va être fabriqué ? Selon les possibilités personnelles, ce processus peut être influencé. La « Berlin Chair » a été conçue il y a 40 ans, nous travaillons actuellement sur sa relance. En compagnie d’une entreprise de conception métallique, nous vérifions la matérialité, l’ergonomie etc. en prenant en compte les tendances d’aujourd’hui.

Raconte-nous l’un de tes projets en dehors de l’Allemagne.

Michael : Pour les projets internationaux, comme le musée national chinois, le Parlement au Vietnam ou par exemple un stade à Manaos dans la jungle brésilienne, on planifie bien évidemment tout avec les structures sur place. Nous essayons de considérer tout de manière holistique en lien avec la tâche. Nous examinons, avant de commencer les dessins, les rapports et les relations – nous pratiquons depuis désormais presque 50 ans le principe de la conception par le dialogue.

Comment se passe la coopération avec les Chinois ? Es-tu là-bas également responsable de l’interculturel ?

Michael : Nous travaillons toujours en collaboration avec une agence d’architecture locale partenaire, quelle que soit la région du monde. Gmp est présent en Asie depuis plus de 12 ans et nous avons dans notre cabinet une structure sophistiquée de collaboratrices et de collaborateurs internationaux. Les dernières statistiques ont montré, je crois, plus de 40 nationalités. Nous avons par exemple presque 200 architectes en Chine, répartis sur trois sites. Par conséquent, nous disposons également d’un immense savoir culturel et notre architecture en est imprégnée. Une académie propre au cabinet, la aac Academy for Architectural Culture, a comme objectif principal de promouvoir l’échange culturel entre les nations sur le plan de l’architecture.

Et qu’en est-il de la communication ? Il y a entre la culture occidentale et l'asiatique un énorme fossé, n’est-ce pas ?

Michael : Absolument. Bien sûr, au début, quelques demandes ont échoué. Nous en avons tiré les enseignements. Tout d’abord, il faut que chaque projet international commence par un échange culturel. Pour cela il faut connaître les rapports sur place, que ce soit l’aspect sociologique ou la manière dont se prennent les décisions. Quels effets a le comportement européen sur l'asiatique ? Nous avons appris tout cela, et cette maîtrise nous permet de très bien réussir maintenant. Nous savons par exemple parfaitement qu’un maître d’ouvrage chinois ne dit pas « non » littéralement. Il dit plutôt « Oui, entendu. Nous déciderons demain.» C’est pour nous un signe qu’il pense « non ». En tant qu’Allemand, on désire bien sûr la même fiabilité que celle à laquelle notre mentalité nous a habitué. Ce n’est pas toujours simple. La fiabilité est vécue d’une autre manière ailleurs.

D'après ton expérience, quel effet a la communication des Allemands sur les Chinois ?

Michael : Pour les Chinois, les Allemands n’y vont pas par quatre chemins, on s’en plaint aussi parfois bien sûr. Cela, on ne peut absolument pas le faire en Chine, il est impossible d’agir aussi directement là-bas. Il faut formuler les choses autrement. La valeur suprême des Chinois, c’est « garder la face ». Si on garde à l'esprit ces différents principes, si on sait se faire respecter, on peut bien travailler ensemble. Cela nécessite un énorme sens du tact qui mène au succès si on est accompagné de collègues ayant les connaissances requises. En Amérique du Sud, nous faisons face à une autre culture avec beaucoup d'émotivité et un caractère très direct. Les habitudes de lecture et de perception sont extrêmement différentes partout. Sur ce point, nos traducteurs, et par là je ne pense pas forcément à la traduction de la langue mais au déchiffrage de la mentalité, valent leur pesant d’or.

Qu’as-tu appris pour toi, à titre personnel, des collaborations internationales ?

Michael : J’ai appris à préserver ma sérénité. Au début de l’interview je disais que j’adorais les défis et en gardant son calme, on parvient, en règle générale, à dépasser les conflits. Il est important de préserver le respect mutuel, de se quitter en bons termes peu importe qu’une chose ait abouti ou pas. Dans l’idéal, les deux parties ont appris quelque chose l’une de l’autre.

Que fais-tu pendant ton temps libre ? As-tu une saison préférée pour les excursions ?

Michael : Oui, l’automne en raison de ses couleurs et de l’ambiance. Nous sommes à cette époque très souvent en Scandinavie : la Norvège ou le Danemark.

Pour y faire des randonnées ?

Michael : Aussi, mais avant tout pour pêcher, souvent avec mes parents, vraiment pêcher en haute mer avec un bateau, en octobre, novembre, quand c'est complètement désert.

Quel rôle joue le sport dans ta vie ? Nous voyons ici quelques médailles suspendues au mur.

Michael : Yvi et moi, nous nous sommes connus lors d’un entraînement de triathlon et depuis nous nous entraînons aussi un peu ensemble. Avec ambition, mais pas de manière exagérée, parce qu'on n’a pas assez de temps. Mais l’équipement nécessaire, les vélos, etc., nous l'avons. Récemment, j’ai participé au triathlon à Hambourg. Là, je me suis vraiment torturé dans l’Alster, parce que la natation n’est pas ma discipline favorite. Ivy était sur la rive pour se renseigner auprès du poste du sauvetage (rires). Mais c’était quand même drôle de traverser l’Alster et de voir Hambourg de cette perspective.

Michael apprécie l’échelle de sa ville de cœur. Lübeck présente, en outre, un paysage culturel riche, accessible à pied en quelques minutes.

Qu’est-ce que tu aimes particulièrement dans le sport

Michael : J’adore le lien entre le sport et la technique. C’était génial de rouler en vélo en fibre de carbone à une vitesse folle. Et j’adore les compétitions et les défis.

Lors de notre entretien, tu as très souvent utilisé la notion d’attitude. Est-ce que pour terminer tu peux nous expliquer ce que cela signifie pour toi.

Michael : L’attitude envers quelque chose est pour moi synonyme de sincérité et d'être conscient que tout a une origine et un caractère. Garder son attitude signifie pour moi aussi que quelque chose a sa propre authenticité et sa sincérité. Si j’ai moi-même une attitude, j’ai du respect pour une chose ou une personne, pour l’être. L’attitude, c’est pour moi la force de caractère qui fait qu'on lutte pour un idéal. Cela s'applique à tout sur cela et si j’y parviens personnellement, je me sens heureux.

Nous remercions Michael Kuhn qui nous a accordé un après-midi pour nous donner un aperçu de son appartement.

Ce portrait a été produit par le magazine international Freunde von Freunden. Cliquez ici pour découvrir tous les meubles USM pour votre maison et votre bureau.